Théories des Organisations

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Michel Crozier

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L'analyse stratégique

Chaque individu possède une stratégie personnelle, cherche à augmenter son pouvoir et sa zone d'influence. Le concept de stratégie permet de saisir les régularités de comportement des individus. La stratégie n’est pas nécessairement consciente ou voulue. Si l'on veut par conséquent comprendre l’organisation il nous faut rechercher la stratégie des différents acteurs ou groupes d’acteurs. Lorsque l’organigramme prévoit des rapports simplement techniques entre des catégories de travailleurs, s’instaurent entre eux des relations de pouvoir non voulues et imprévisibles. Les agents modifient ainsi la structure d’une organisation en essayant de préserver et d’accroître les régions de pouvoir que l’organigramme leur reconnaît tout en limitant celles des autres.

 

 

I. Caractéristiques de l'organisation

 

L'organisation se caractérise par les traits suivants :

- Une division des tâches : c'est cette division des tâches qui distingue un groupe structuré d'un autre qui ne le serait pas. Dans une organisation les tâches à effectuer sont réparties d'une manière claire, de manière formelle ou informelle et de telle sorte que les individus n'empiètent pas les uns sur les autres.

- Une distribution des rôles : si les tâches sont réparties au sein d'une organisation, chacun peut accomplir sa tâche d'une manière particulière. L'acteur donc, à qui une tâche est confiée pourra interprêter son rôle dans l'organisation d'une manière qui lui est propre. L'analyse stratégique insiste sur cette notion d' "acteur" soulignant ainsi la marge de manoeuvre que possède tout individu quelles que soient les contraintes exercées par l'organisation. Quelles que soient les contraintes qui définissent un rôle, l'acteur possède toujours une liberté de choix.

- Un système d'autorité : il est présent pour veiller à l'adéquation du comportement des individus aux objectifs que les dirigeants ont fixé à l'organisation. L'analyse strétégique ne parle pas de buts communs concernant l'organisation mais d'objectif fixé par les dirigeants ce qui à le mérite de "désacraliser" l'autorité en affirmant que les directives ne sont pas imposés par nécessité objective mais doivent être comprises avant tout comme des choix effectués par des acteurs.

- Un système de communication : celui-ci a pour but de faire passer de l'information entre les individus. Cependant, on constate qu'il est pensé et utilisé presque exclusivement dans le but de faire passer les directives, les injonctions de la hiérarchie vers le personnel (communication descendante) et rarement pensé pour une communication ascendante (du personnel vers la direction) ou horizontal (entre le personnel).

- Un système de contribution-rétribution : celui-ci précise ce que reçoivent les uns et ce que donnent les autres en échange. Ce système apparaît la plupart du temps comme un système fondé sur un échange de type rationnel-légal (salaire,...) cependant, il ne dit rien des raisons pour lesquelles tel individu s'engage dans telle organisation or ces raisons déterminent bien souvent la bonne ou mauvaise marche de telle ou telle organisation.

II. Postulats de l'analyse stratégique

 

- Les hommes n'acceptent jamais d'être traités comme des moyens au servide de buts que les dirigeants fixent à l'organisation. Chacun possède ses propres objectifs et ses propres buts. Même dans l'organisation la plus rationnelle ou la plus contraignante, les responsables à tous les niveaux ont des stratégies qui leur sont propre.

- Chaque acteur possède une relative liberté. Ce postulat est au centre de l'analyse stratégique. Les acteurs sont autonomes et engagent leur autonomie dans des zones mal réglementées de l'organisation. Ces autonomies, ces marges de manoeuvre vont se combiner dans des jeux de pouvoir, le pouvoir central tente de contrôler l'autonomie des acteurs qui à leur tour, tentent de lui échapper.

- Dans les "jeux de pouvoir, les stratégies sont toujours rationnelles mais d'une rationalité limitée. Devant tenir compte de multiples facteurs (stratégies des autres acteurs, contraintes de l'environnement,...) aucun acteur ne peut trouver la solution la plus rationnelle pour atteindre ses objectifs. Il s'arrête à la solution qui présente le moins d'inconvénients à ses yeux. L'idée de Taylor du "one best way" est ainsi mise à mal.

III. Les concepts

 

 

1. Le système d'action concret

L'organisation dans l'analyse stratégique est perçu comme un construit humain, comme un ensemble constitué d'acteurs qui y développent des stratégies particulières et, est par conséquent en changement permanent. L'organisation se donne de nouveaux objectifs, recrute du personnel, licencie,... et a donc besoin d'ajustement permanent. Ces ajustement ne se font pas par l'organisation mais s'effectuent par les acteurs eux-mêmes qui cherchent à reconstruire l'ensemble en mouvement. Ils font fonctionner cet ensemble à travers un réseau de relation dans lequel ils négocient, échangent et prennent des décisions. L'organisation ne fonctionne donc pas comme un corps humain, il n'y a jamais d'ajustements naturels, ceux-ci sont construits. L'ensemble de ce construit en ajustement permanent constitue le système d'action concret.

2. La zone d'incertitude

Toute organisation est soumise à de nombreuses incertitudes, celles-ci pouvant provenir de changements intervenus dans les techniques, le juridique, le recrutement de nouveaux membres, etc. Cependant ces incertitudes apparaissent comme des contraintes que les acteurs vont intégrer dans leur stratégie et ne sont en aucun cas, quelque chose qu'ils auraient à subir de manière passive. Toutes ces incertitudes entrent dans le jeu des acteurs où elles vont renforcer ou affaiblir leur autonomie et en conséquent leur pouvoir. Toute organisation, même celles où les fonctions, les techniques sont définies de la manière la plus rigoureuse connaissent ces zones d'incertitude.

La ressource du pouvoir est cette marge de liberté que possèdent des individus ou des groupes d'individus et réside dans la possibilité qu'à l'individu de refuser ou de négocier ce que l'autre lui demande. Cette possibilité existe du fait qu'un individu à réussi à préserver une zone (un champ de compétence par exemple) que l'autre ne possède pas et dans laquelle son comportement et par conséquent imprévisible. Il est à noter que l'incertitude ne réside pas pas uniquement dans le fonctionnement interne de l'organisation mais trouve sa source également dans l'environnement de celle-ci (contraintes économiques, politiques,...). Ces contraintes que l'on peut qualifier d'externe (contrainte économique par exemple) sont souvent employées par les dirigeants pour justifier leur choix (ce qui à pour fonction également de clore le débat...) . Cependant, il est illusoire de penser que des contraintes quelles qu'elles soient imposeraient une unique solution. La solution envisagée, (et la plupart du temps justifiée par les dirigeants pour telle ou telle raison extérieure), n'est en fin de compte qu'une des solutions possible et les raisons de ce choix sont à chercher avant tout dans les stratégies propres aux acteurs opérant ce choix.

3. Le pouvoir

Mettre en avant la question du pouvoir au sein des organisations alors que celles-ci étaient préalablement pensées comme lieu d'un certain consensus, dans lesquelles les énergies étaient rassemblées autour d'un objectif commun fut une sorte de petite révolution au sein des théories de l'organisation. En effet, loin d'être harmonieuse, la vie d'une organisation est parsemée de conflits et de luttes de pouvoir. Les individus et les groupes en leur sein de par leur formation, leur fonction ont naturellement des objectifs qui ne coïncident jamais parfaitement. De plus, la vision des moyens nécessaires afin d'arriver à un objectif organisationnel est elle aussi différente selon les acteurs et les groupes d'acteurs. Ces visions différentes entraînent de fait des stratégies différentes et engendrent des conflits de pouvoir engendrant à son tour le besoin d'un pouvoir capable de régler ces conflits...

Le pouvoir dans l'analyse stratégique est définit avant tout en terme relationnel. Celui-ci se présente donc comme une relation et non pas comme un attribut. Cette idée de relation met l'accent sur le fait que si celui qui détient le pouvoir peut contraindre un inférieur à agir, ce dernier peut tout de même exécuter cette action de multiple manière et de ce fait exercer une sorte de contre pouvoir en lien avec la maîtrise de zones d'incertitude. Ainsi, le pouvoir est définit en tant que capacité d'un acteur à faire agir un autre acteur, mais ce pouvoir n'est par conséquent pas lié systématiquement à la position statutaire (position hiérarchique supérieure). A ce sujet voir M. Weber, Chap III. Domination et pouvoir.

Les ressources du pouvoir peuvent être :

- la compétence. L'expert par exemple, est celui qui détient la possession d'une compétence difficilement remplaçable et est le seul qui dispose par conséquent d'un savoir-faire, de connaissances et de l'expérience nécessaire lui permettant de résoudre certains problèmes au sein de l'organisation. De ce fait il possède une position avantageuse dans toute négociation avec l'organisation et avec ses collègues. A noter que l'expertise confère du pouvoir si elle est liée à une situation stable et reconnue dans l'organisation. Il faut également souligner que dans nos sociétés contemporaines rationnelles et scientifiques, nous avons tendance à reconnaître et ainsi valider ce pouvoir à tout expert reconnu comme tel au travers d'un système scolaire légitimisant telles ou telles savoirs au détriment d'autres (cf. idéologie scientifique et parole d'expert).

- la maîtrise des relations à l'environnement. Cette ressource permet à l'individu qui la possède un pouvoir accru dans la mesure où il détient l'information et la connaissance des réseaux à la fois dans l'organisation et hors de l'organisation. Il peut utiliser ainsi ses connaissances des deux milieux pour consolider et agrandir son pouvoir.

- la maîtrise des communications. La communication d'informations a une grande valeur stratégique dans l'organisation, cependant l'idéologie qui consiste souvent à penser que si telle organisation ne fonctionne pas cela est dû à une mauvaise communication masque parfois une réalité plus complexe.

- les connaissances des règles de fonctionnement. Tout membre d'une organisation qui maîtrise la connaissance des règles et sait l'utiliser possède un avantage certain dans une relation de pouvoir.

Ces trois concepts (système d'action concret, zone d'incertitude et pouvoir) sont fondamentaux pour comprendre le fonctionnement des organisations. Leur application sur le terrain permet de rendre compte d'une manière efficace du fonctionnement réel des organisations.

 

BIBLIOGRAPHIE

Michel Crozier et Erhard Friedberg, L'Acteur et le système, Paris, Ed. du Seuil, 1977. (Voir fiche de lecture, CNAM, Laboratoire d'Investigation en Prospective Stratégie et Organisation)

Erhard Friedberg, Le pouvoir et la Règle, paris, Ed. du Seuil, 1993.

 

 

 

 

 

 

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