Théories des Organisations

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Max Weber

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Rationalisation et Bureaucratie

Les thèses et la réflexion de Max Weber ont profondément influencé les sciences sociales du XXe siècle. Au-delà de cette influence, elles constituent un moment fort de la réflexion de l'homme sur lui-même et sur la société qu'il contribue à créer. Max Weber est le contemporain d'un monde où s'impose l'esprit du capitalisme, dans lequel s'affrontent les intérêts nationaux et où émerge une identité citoyenne et démocratique.

 

 

I. La rationalisation des activités sociales

 

1. Le processus de rationalisation

Au cœur de l'élaboration conceptuelle de Max Weber, se trouve le processus de rationalisation des activités sociales. Pour Weber, il s'agit moins de Raison que des raisons que le sociologue doit retrouver dans le registre de l'action des individus. Il pose ainsi pour pierre fondatrice des sciences sociales le principe de l'individualisme méthodologique. Pour rendre compte des phénomènes sociaux, il est nécessaire de remonter aux «raisons» des actions individuelles. Ces raisons répondent aux questions qui font sens pour les individus ; c'est-à-dire qui donnent une signification et une direction à leurs actions.

Il existerait quatre rationalités possibles de l'action sociale.

- La rationalité instrumentale, ou rationalité en finalité, ordonne les objectifs et les moyens les mieux adaptés aux buts poursuivis. Il s'agit pour l'acteur d'atteindre les buts qu'il s'est donné avec une efficacité optimale ou de croire, avec les informations dont il dispose, qu'il emprunte une méthode efficace.

- La rationalité axiologique, ou rationalité en valeur, oriente les actions selon des valeurs subjectivement retenues comme raisons légitimes ou fins ultimes pour agir. L'acteur ne se préoccupe alors pas des résultats de l'action, ni des moyens utilisés. Il recherche la valeur pour elle-même : la justice pour la justice, le beau pour le beau...

- La tradition (obéissance à la coutume) et l'émotion (activité affective qui se développe sous l'emprise d'une émotion ou d'une passion) constituent deux autres explications possibles des actions sociales. Elles présentent, pour Weber, un aspect irrationnel et mécanique. Il s'agit de types idéaux, et ces rationalités se chevauchent pour l'acteur lui-même quand il agit et pour l'observateur quand il interprète une action. Ces actions sociales engendrent des formes de relations sociales. Ces relations se pérennisent autour d'activités et d'institutions différenciées.

À ce stade, il est nécessaire d'introduire le concept de légitimité. La légitimité est une qualité qui confère une valeur sociale à une action sociale et qui donc justifie, aux yeux de tous, l'existence d'une activité. Par exemple, l'activité religieuse existe, si existe la croyance en la légitimité de la religion. A l'occasion de cette activité, les acteurs sociaux agissent selon différentes rationalités: emportés par l'émotion, conditionnés par la tradition, orientés par des valeurs ou par la recherche de moyens les plus adaptés aux buts poursuivis. Il semble que Weber établisse une échelle de valeurs entre les actions et qu'il privilégie la rationalité en finalité. Elle représente le degré le plus conscient, le plus maîtrisé et le plus responsable de l'action humaine.

Pour Max Weber, la modernité, qui trouve son lieu d'élection en Occident, se caractérise par un processus approfondi de rationalisation des activités sociales qui se traduit par l'importance croissante de la rationalité instrumentale dans les actions sociales. Ce processus présente un double visage. D'une part, aux valeurs, liées aux questions les plus angoissantes que se posent les hommes en société, se mêlent des intérêts en termes de ressources matérielles et immatérielles qui se développent avec la différenciation des activités: religieuses, économiques, politiques, scientifiques, culturelles... Cette transformation correspond aussi à une mise à distance des dimensions émotionnelles, irrationnelles des actions sociales et donc à une intellectualisation croissante de la vie en société. D'autre part, ces intérêts donnent lieu à des calculs de plus en plus précis des moyens adéquats pour les satisfaire. Le principe de la rationalité par finalité ou rationalité instrumentale qui conduit au principe du moindre effort et qui trouve son terrain d'élection dans la sphère économique tend à devenir le principe dominant des actions. Ce processus de rationalisation conduit à différencier les activités et les institutions qui les incarnent: églises, entreprises, communautés scientifiques. Etats, système formel de droit...

II reste à expliquer comment les hommes en sont arrivés au cours de leur histoire, dans une certaine partie du monde, à adopter ces types de conduites rationnelles qui rendent légitimes l'accumulation organisée de biens matériels, la formalisation des normes juridiques, l'acceptation de contraintes politiques et l'émergence de disciplines scientifiques. Il subsiste aussi une énigme, que Max Weber ne résout d'ailleurs pas : elle tient dans le processus de désenchantement ou de perte de sens qui intervient au moment où la rationalisation formelle des activités et la prédominance de la recherche de l'efficacité dans les actions, supposées rendre plus maîtrisable la société, semble atteindre un point culminant.

2. Religion et rationalisation

Le processus de rationalisation formelle conduit à un processus de désenchantement du monde qui nécessite d'être défini. Le processus de désenchantement désigne la manière dont s'opère, sur la longue durée, l'élimination de la magie comme moyen de répondre aux questions et aux souffrances humaines. Cette élimination, dans le cadre des activités religieuses, suit un long chemin historique, qui mène du judaïsme antique au puritanisme protestant. Ce processus gagne d'autres activités sociales à mesure que celles-ci se rationalisent formellement. Les moments forts de l'histoire de l'Occident comme les révolutions religieuses, politiques ou artistiques, la problématique du droit naturel, celle du progrès économique semblent converger pour individualiser de plus en plus les acteurs sociaux. La rationalisation des activités sociales est inséparable de la généralisation de l'individualisme, bien que le mot individualisme demeure, pour Weber, difficile à définir. Il désigne, entre autres changements sociaux, dans l'esprit de Weber, une plus grande maîtrise des émotions et une mise à distance des déterminismes sociaux.

Une seconde définition se superpose à la première. Celle d'une perte de sens, selon les deux dimensions du mot : signification et direction, qui caractériserait la modernité. C'est au moment où l'individu se libère de la tradition et de toute référence à un ordre supérieur qu'il apparaît comme le plus en danger, danger d'asservissement à des organisations anonymes, danger de soumission aux biens matériels, danger lié à l'incapacité de choisir entre le bien et le mal... Cette fragilité est liée au processus de rationalisation et d'intellectualisation. La complexité des sociétés actuelles ôte à chaque individu la maîtrise sur son environnement. Par ailleurs, la démocratie, processus de rationalisation formelle des moyens pour contenir la violence, propose comme principe de régulation de cette violence la négociation qui transforme les conflits irréductibles, selon Weber, entre les valeurs, en compromis entre intérêts divergents. La part émotionnelle de l'action ne trouve plus d'exutoire et les oppositions entre systèmes de valeurs se transforment en «guerre des Dieux».

Il aurait existé, historiquement, pour Max Weber, un monde «enchanté» dominé par la magie et les rites, dans lequel l'homme vivait harmonieusement, comparable au stade de la pensée magique pour l'enfant qui, pendant un temps, ne se différencie pas de son environnement. Ce monde s'est transformé en faisant surgir l'angoisse devant la mort, la souffrance, mais aussi différents moyens inventés par les hommes pour soulager ces tourments. La rupture historique décisive intervient cependant avec le prophétisme juif qui ouvre la voie au processus de rationalisation des activités religieuses en posant la question de la culpabilité de l'homme.

Du judaïsme au puritanisme protestant, le chemin est long. Le puritanisme protestant constitue lui aussi un moment de rupture décisif. L'angoisse du salut, prise en charge par les institutions religieuses, devient une question sans réponse claire. La charge émotionnelle est investie, selon Weber, dans le travail et plus généralement dans les activités économiques. Le protestantisme donne naissance au capitalisme occidental. Le capitalisme autonomise la sphère économique comme la genèse des États avait permis l'autonomisation des sphères politique et juridique. La rationalisation formelle des activités économiques précipite le processus de désenchantement. Le puritain travaillait pour gagner son salut et le travail représentait donc une valeur religieuse pour lui ; l'entrepreneur capitaliste et le salarié sont contraints de travailler pour survivre ou pour maintenir leurs intérêts. La part émotionnelle n'a pourtant pas disparu. La différenciation des buts poursuivis dans l'action sociale, les tensions entre les différentes activités de la vie en société et entre les institutions qui incarnent ces activités, la multiplication des intérêts ne comblent pas le vide créé par la rationalisation de l'éthique.

3. La rationalisation des actions économiques

Toute société est confrontée à la question de la satisfaction des besoins matériels et à la rareté des ressources, ce qui suscite des questions auxquelles la rationalisation formelle des activités économiques répond. Cette rationalisation s'accélère avec la diffusion du capitalisme occidental. La soumission aux biens matériels et la rationalisation tant des organisations de type économique que du travail vont caractériser les sociétés industrielles.

II. La Bureaucratie

L'œuvre de Max Weber s'inscrit dans un contexte historique marqué par l'émergence des grandes organisations : administrations publiques, grandes entreprises, partis et syndicats de masse. Dans ce monde nouveau, se pose le problème de l'exercice de l'autorité et celui, qui lui est lié, de la légitimité des rapports de dépendance ou de domination. Dans un tel monde, l'autorité repose principalement sur la compétence et la recherche de l'efficacité prend le pas sur les autres motivations. La prépondérance de l'action en finalité et la rationalisation formelle des activités renvoient à l'essor d'un nouveau type d'organisation que Max Weber nomme «bureaucratie». La bureaucratie matérialise, sous la forme d'une organisation, le type d'autorité à caractère rationnel-légal (nous parlerions aujourd'hui d'expert) . Cette forme d'organisation repose sur des règles abstraites, écrites, impersonnelles. Les hommes qui exercent l'autorité sont choisis selon leurs compétences. Ils appartiennent à une hiérarchie fonctionnelle où les contrôles et les voies de recours sont clairement déterminés. Il s'agit d'un type idéal (afin de donner une rigueur à ces concepts, Weber a cru nécessaire de former ce qu'il appelle des types idéaux. Il entend par là un concept construit de manière abstraite qui ordonne en un tableau homogène les caractéristiques essentielles d'un phénomène, par exemple l'artisanat ou la féodalité, et qui, appliqué à une situation historique déterminée, par exemple à l'artisanat du Moyen åge, permet de déterminer en quoi celui-ci se singularise par rapport à l'artisanat à d'autres époques. Le type idéal est donc une construction utopique ou irréelle destinée à mettre en évidence des relations réelles et empiriques. Il constitue un type, puisqu'il est un concept permettant de saisir les diverses relations dans leur singularité ; il est idéal, parce qu'il est une abstraction rationnelle qui correspond rarement aux phénomènes empiriques). Max Weber fait aussi de la bureaucratie un idéal à atteindre pour augmenter l'efficacité des actions et des activités, bien qu 'il annonce les risques de domination anonyme inhérents à cette forme d'organisation.

III. Domination et pouvoir

En étudiant la question politique, Max Weber traite du problème de l'ordre social. Pour lui, la question politique relève de la problématique de la domination. Spontanément les hommes se déchirent entre eux et la domination de l'homme par l'homme utilise tous les moyens, notamment l'usage de la force physique. Les actions et les activités politiques sont ainsi liées aux contraintes qui surgissent entre les individus pour répondre à la question de l'autorité, du pouvoir et à celle de la fixation de la norme.

Il existe différents types de domination pour Max Weber qui sont aussi des types de légitimation du pouvoir.

- La domination traditionnelle a pour fondement la croyance en la sainteté des coutumes et en la légitimité de ceux qui sont appelés au pouvoir en vertu de la tradition.

- La domination légale a pour base la croyance en la validité de la loi constitutionnelle et réglementaire établie rationnellement par voie législative ou bureaucratique.

- La domination charismatique qui repose sur le dévouement des partisans pour un chef en raison de sa valeur personnelle ou de ses talents exceptionnels.

Pour Weber, la violence est constamment présente dans les grands moments de rationalisation du politique. Elle apparaît à l'origine comme fondatrice de la relation de domination et de pouvoir. Elle devient ensuite l'enjeu de la définition de la sphère politique ordonnée par des institutions qui se font concurrence pour confisquer l'usage de la violence légitime. La domination violente explique l'existence de positions sociales inégales au sein des sociétés. Cependant, le concept de violence légitime exprime, pour Max Weber, la conviction que le rapport de forces à l'état brut ne peut subsister durablement et que les acteurs du jeu politique doivent rendre leurs raisons légitimes pour agir efficacement. Le rapport de forces doit ainsi faire le détour du discours pour perdurer. Un large consensus règne pour distinguer dans toute relation sociale, et notamment les relations politiques, ces deux éléments : asymétrie des positions sociales qui créent des rapports de force et nécessaire détour par le langage pour assurer la légitimité de la relation. Weber reste pessimiste sur l'évolution des démocraties modernes ordonnées politiquement par l'État de droit et administrativement par la bureaucratie.

BIBLIOGRAPHIE

Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Pion, 1995.

Max Weber, Économie et société, tomes l et 2, Pion, 1995.

Max Weber, Histoire économique, Gallimard, 1991.Francité

   
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